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  • Photo du rédacteurValérie Mangin

3 questions à Valérie Mangin

1) Pensez-vous que la législation actuelle protège suffisamment les auteurs dans le cadre de leur activité professionnelle. Pouvez-vous, à travers des exemples de votre vie quotidienne, justifier votre réponse.


Je ne pense pas que la législation soit assez protectrice. Pour prendre un exemple rarement donné, la durée de la relation de travail entre l’auteur et son éditeur est totalement soumise au bon vouloir de l’éditeur. Il est impossible d’avoir un contrat dans la durée là où un salarié finit par avoir un CDI. J’ai hélas eu des mauvaises expériences avec des éditeurs qui ont arrêté plusieurs de mes séries de bande dessinée au long cours du jour au lendemain, soit en me donnant des prétextes fallacieux (ventes insuffisantes contredites par les relevés de droits) soit sans même me donner de prétexte. Le dessinateur et moi n’avions plus qu’à essayer de retrouver du travail en toute urgence, sans, bien sûr, avoir droit à des allocations chômage durant ce temps-là….


J’ai aussi subi des arrêts de projets suite à la défaillance du dessinateur avec qui je collaborais au scénario : dans ce cas, non seulement l’éditeur a mis fin de manière unilatérale au projet au lieu d’essayer de trouver un nouveau collaborateur, mais il m’a demandé de rembourser les avances que j’avais reçues alors que je n’étais responsable en rien du problème.


2) Avez-vous pu faire le constat d’une évolution dans la négociation de vos contrats d’auteurs depuis le début de votre carrière ?


J’ai le sentiment que les contrats sont de plus en plus compliqués à négocier. Ils sont beaucoup plus longs, plus complexes qu’il y a 20 ans. Et, au final, je fais surtout le constat que mes conditions contractuelles stagnent depuis cette époque sur le plan financier, alors qu’on me confisque de plus en plus de droits d’exploitations divers et variés.


J’ai eu la chance d’avoir de bonnes conditions dès mes premiers albums (puisqu’ils ont eu du succès), mais depuis elles sont restées globalement les mêmes. Je n’ai pu qu’éviter leur érosion. Heureusement l’inflation est restée faible, je ne sais pas ce qu’il en aurait été si elle avait été forte.


De même, je n’ai jamais eu de prime d’ancienneté : il n’est même jamais tenu compte de ce que je peux apporter de plus par rapport à mes débuts (expérience dans l’écriture, construction d’une communauté de lecteurs, bonnes relations avec la presse/les critiques, relative notoriété).


Enfin, ce métier de scénariste n’est pas avare en petites humiliations. Par exemple, quand je parle avec des éditeurs de mes albums qui se sont bien vendus, trop attribuent ces bonnes ventes au dessinateur qui m’accompagnait. Mais peut-être est-ce une tactique, et font-ils de même avec mes dessinateurs…


Ceci dit, le simple fait que je sois parvenue à conserver mes conditions contractuelles d’il y a 20 ans est déjà une petite victoire : beaucoup de collègues moins vendeurs doivent accepter des conditions dégradées, voire ne sont plus signés du tout. D’ailleurs, je sais bien que si je connaissais une période d’insuccès, ma situation « privilégiée » ne serait plus qu’un souvenir. Ce milieu n’a pas la reconnaissance du ventre, tout est à recommencer chaque jour.


3) Si vous étiez en mesure de mettre en œuvre trois mesures concrètes pour renforcer la protection de votre métier, quelles seraient-elles ?


1. L’obligation pour un éditeur de communiquer à l’auteur les investissements qu’il fait sur son ouvrage et le profit qu’il en tire ainsi que le nombre de vente à partir de laquelle l’ouvrage est rentable pour la maison d’édition (point mort).


2. L’interdiction pour un éditeur à but lucratif de faire des livres sans financer sérieusement la création.


3. L’obligation pour un éditeur de payer tout le travail réellement effectué par un auteur autour de la création elle-même (rédaction de textes complémentaire, de dessins promotionnels, maquette, direction artistique, participation au marketing, à la communication autour de l’ouvrage, déplacements promotionnels…)

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